Une organisation politique indissociable de la religion
La coexistence assumée d’un pouvoir royal et d’un
pouvoir spirituel
La spiritualité et la politique royale en effet
sont intrinsèquement liées en ce que la première est une influence pour la
seconde.
Après l’effondrement de Kongo Dia Tuku, les Kongo
se dispersent et fondent d’autres royaumes: Kakongo, Kongo dia Buende ou encore
l’État de Vungu. C’est de ce dernier que vient Lukeni, qui établit son royaume
à Mbanza Kongo dia Ntotila.
On raconte qu’il est le fils cadet de Nimi a
Nzinga, homme de pouvoir et Lukeni Iwa Nsanza dont il tient son prénom. Il
souhaite établir sa propre fortune, avec ses compagnons: en récoltant des taxes
sur le passage du fleuve Nzida, il rencontre sa tante. Celle-ci refuse de
payer, s’en suit une altercation dans laquelle elle trouve la mort. Il s’enfuit
et trouve refuge dans les terres de Mpangala qui deviendront ensuite Mbanza
Kongo dia Ntotila.
Néanmoins, à son arrivée, le territoire est déjà
occupé par les Ambundu qui sont sous l’autorité de plusieurs chefs, dont un
chef spirituel, Nsaku Ne Vunda. Les sources divergent sur l’identité précise de
cette civilisation pré-bantu (les Ambundu): certaines estiment qu’il s’agirait
de pygmées ou encore des peuples San, d’autres suggèrent qu’il s’agirait
simplement d’êtres humanoïdes légendaires. Nous considérons ici pour être
fidèle à la tradition, qu’il s’agit d’un peuple quelconque nonobstant les
attributs particuliers que l’on peut lui prêter.
Lukeni souhaite prendre contrôle du pays. Après
avoir soumis les premiers occupants du royaume, il achève sa conquête de la
région du Mpangala. Néanmoins, il se heurte aux limites du sacré. Dans une
économie basée essentiellement sur le travail agricole, le pionnier de la
civilisation Kongo est perçu comme un étranger qui s’est établi sur une terre
qui n’est pas la sienne. Il n’a donc pas la faveur des ancêtres qui sont entre
autres responsables de la moisson, de la fertilité des sols et de l’abondance
du gibier. C’est alors que Nsaku ne Vunda, le chef spirituel des Ambundu, qui
joue le rôle d’intermédiaire entre le monde des vivants et celui des ancêtres
instaure une alliance : chaque dirigeant souhaitant être reconnu légitimement
comme Roi devra obligatoirement prendre pour épouse, une fille du clan Nsaku.
Un adage Kongo dirait que « Pour tout Roi qui doit régner Nsaku ne Vunda doit
être présent. S’il n’est pas là, son autorité ne peut être reconnue. ».
Ainsi, Lukeni devient le Mwene Kongo. Mwene
désigne celui qui pourvoit aux besoins du peuple. Il est également Ntinu, c’est
à dire chef militaire et donc celui qui a à sa charge la défense nationale. À
travers cette histoire, on voit donc que la spiritualité et la politique sont
indissociables pour être Roi car elles sont au fondement même de la naissance
du royaume.
Le Mwene est élu par les principaux chefs de clan.
Pour autant, cette élection a ses spécificités car il n’est pas permis à tous
d’occuper cette fonction: celle-ci est premièrement censitaire mais elle est
également sacerdotale c’est à dire propre aux prêtres. C’est dans ce contexte
particulier qu’on peut alors parler de “royauté sacrée” ou encore de “royauté
divine” car seuls peuvent devenir roi les prêtres ou autrement dit, les initiés
à la spiritualité du clan Nsaku (devenu la spiritualité Kongo).
De plus, l’élection du Mwene est matrilinéaire: en
effet, parce que Lukeni a dû s’allier au clan Nsaku par l’intermédiaire du
mariage, symboliquement c’est la lignée féminine qui crée l’appartenance à la
royauté et fonde donc l’accès au pouvoir.
Cela permet de mieux comprendre que les fonctions de Reine-Mère ou d’Épouse-Royale ne sont pas simplement honorifiques, à l’instar de nombreuses sociétés. Bien que les Mwene soient des hommes, ce pouvoir ne peut être acquis par tous. En réalité, ce qui va déterminer la possibilité de candidater pour le pouvoir est la naissance et donc la filiation à la mère. Seul est héritier au trône le prince, et seul est considéré comme prince le fils qui naît de la Reine. Cette information est cruciale car on comprend ainsi qu’il ne peut exister d’enfants illégitimes du Roi ayant la possibilité de se présenter en tant que successeur.