Le mythe des origines : de la création à la construction territoriale d’un royaume
L’apparition mythologique de l’Homme selon les
Kongo
Lorsque l’on demande aux Kongo quelle est
l’origine du monde, ils répondent de façon instinctive : « Dieu prépara du
fufu, prit les hommes comme viande ». Le fufu est une pâte à base de farine de
manioc dont la préparation est longue et fastidieuse en ce qu’elle exige
beaucoup de patience. Ainsi, la création du monde chez les Kongos est perçue
comme un processus long et étendu dans le temps.
Tandis que Dieu prépare le fufu, il s’affaire à
trouver de la viande (et donc veut créer l’homme). Mais comme il doit attendre
la multiplication du genre humain, le fufu commence à se refroidir, à produire
de l’eau et à se fendre: c’est ainsi que les plaines, les rivières et les
montagnes voient le jour. Ce fufu finalement devenu avarié devient du fumier et
ce même fumier va nourrir la terre qui va faire pousser les plantes. C’est la
création des écosystèmes.
Mais selon cette même cosmogonie, comment est né
le premier homme alors?
Les Kongo, nous l’enseignent à travers l’histoire
de Mahungu. Le mot mahungu dérive du verbe wunga (souffler, comme la tempête).
Ce nom lui correspond parfaitement car tout comme le vent, il symbolise deux
forces : lorsque le vent souffle lentement, il est créateur car il est signe de
paix, de tranquillité et de fraîcheur. Toutefois, lorsqu’il souffle violemment,
il devient destructeur, anéantissant tout sur son passage. Mahungu est donc la
symbiose entre ces deux forces; il est création comme il est destruction. Il
n’éprouve jamais les besoins inhérents à la vie de l’homme. Sa faiblesse le
prédispose aux erreurs tandis que sa force l’élève en sagesse, en intelligence
et ainsi à une certaine pureté. Mais Mahungu représente aussi la
complémentarité en ce qu’il est homme et femme; il porte en lui deux créatures,
faisant de lui un être complet. Cette vision est structurante dans la
conception que se font les Kongo du monde: une idée qui pourrait illustrer cela
est notamment l’importance accordée à cette complémentarité dans la langue
Kikongo. Ainsi, nombreux membres droits du corps humain sont désignés avec des
mots relatifs au masculin tandis que les membres du côté gauche sont désignés
avec des mots relatifs au féminin.
L’histoire de Mahungu est celle d’une créature en joie; créature qui ne connaît ni souffrance ni jalousie, ni haine car vit dans le bonheur complet. Dans les alentours où il vit, réside un arbre appelé « Muti-mpungu », arbre de Dieu. Poussé par l’esprit faible, Mahungu contourne cet arbre pour tenter d’en découvrir quelque chose: malheureusement dans son élan, il se scinde en deux. L’homme et la femme sont créés. Lûmbu, l’homme, et Mazita la femme, chercheront des solutions pour devenir de nouveau qu’un: Lûmbu regrettant les caractéristiques féminines qu’il avait, tout comme Mazita regrettant les caractères masculins qui lui manquent désormais. Ils essayent tant bien que mal de retrouver leur forme originelle mais manque de réponse satisfaisante, ils aboutissent à une solution qui les arrange tous deux: le mariage, autrement dit l’union des deux sexes.