Cosmogonie et spiritualité Kongo : de la naissance à la chute d’un Royaume

Fondé à la fin du XIVème siècle, le royaume Kongo ou selon ses autochtones, Kongo Dia Ntotila (signifiant dans la langue du royaume, le Kikongo « appartenant au roi ») est un ancien pays prospère d’Afrique Centrale. Le territoire du royaume recouvre le nord de l’actuel Angola, le sud de la république du Congo, et le sud-ouest de la République démocratique du Congo.....

La chute d’un royaume : Dieu contre Dieu

Comme nous l’avons vu précédemment, l’éducation et l’initiation ont une place très importante dans la civilisation Kongo. C’est à travers elles que la société Kongo se meut, se protège, s’organise ; et c’est à travers elles que la société Kongo va se transformer. Ici, nous allons analyser comment l’arrivée des portugais a bouleversé le pays du Mwene Kongo à travers le changement de paradigme engendré par la conversion du souverain. 

Mandatée par Jean II du Portugal en 1490, une flotte de 3 navires de missionnaires chrétiens débarque sur les côtes du Mwene Soyo (le chef de la région de Soyo). Le premier habitant du royaume à s’être converti n’est autre que le premier ambassadeur du Roi (suivit du chef de Soyo qui prendra le nom de Manuel). Cette conversion est d’ailleurs très symbolique du fait de l’appartenance de cet ambassadeur au clan Nsaku. Le clan Nsaku rappelons-le, est le clan des chefs spirituels du royaume. En rapportant  un de ses songes au Roi, l’ambassadeur lui dira “Faites en sorte que votre royaume devienne chrétien. Votre puissance en sera augmentée.” Il est important à cet effet de rappeler la signification du rêve dans la cosmogonie Kongo. Les initiés comme, Nsaku de Mbata, ont accès à travers le rêve, au monde nocturne, que l’on appelle aussi le monde des morts. Et c’est dans le rêve que les ancêtres “visitent” les initiés en leur montrant le chemin qu’ils ont à suivre. C’est pour cette raison que ce rêve a une importance capitale. La parole émanant de la sagesse céleste ne fait l’objet d’aucun doute. 

Encore gouverneur du Nsundi en 1490, Mvemba Nzinga, héritier au trône, profite de la présence de deux missionnaires envoyés par son père, pour s’initier à la lecture, à l’écriture et aux éléments fondamentaux de la foi chrétienne. C’est l’arrivée d’une nouvelle foi, d’un nouveau système de pensée et d’une cosmogonie nouvelle qui éveille la curiosité du prince et l’amène à s’initier aux arts de cette civilisation nouvelle. En 1491, toujours souverain du Nsundi, Mvemba Nzinga lors de son baptême adopte la foi chrétienne et prend le nom d‘Alphonso 1er. Cette conversion suivra celle du Roi, Nzinga a Nkuwu, son père, qui prendra le nom de Joao Ier. Désormais, une grande partie de l’élite du royaume a adopté cette nouvelle croyance. Randles déclare à cet effet, que la conversion du Roi et de la noblesse Kongo au christianisme, avait été effectué avec l’idée de s’initier à des cultes nouveaux et plus puissants que ceux déjà connus, leur offrant ainsi un accès encore plus privilégié au monde des morts.

La conversion des élites, ne s’est pas faite sans contestations. Les chefs de la région de  Mazinga et Nsanga décidèrent de se révolter contre le pouvoir central. C’est habillé de la bannière de la croix, symbole caractéristique de la religion catholique, mais aussi comme nous l’avons vu précédemment de la culture Kongo, que le Roi Joao 1er lance une croisade contre ces provinces, dont il sort victorieux. Les mutineries ne cesseront pas, une grande hostilité règne dans le Royaume après la conversion du Roi, qui commence à perdre de plus en plus de pouvoir. Cette conversion a notamment fait perdre au Roi l’outil de la polygamie, et les alliances politiques qui en résultent. L’incompatibilité de cette religion, semble totale avec les réalités politiques du royaume. Vers 1495, tous les prêtres et missionnaires chrétiens doivent quitter la capitale Mbanza Kongo et se replier dans la province de Nsunda. 

Après le sacre d’Alphonso Ier, ce dernier décide de renforcer la présence physique de cette nouvelle religion et d’entamer une grande réforme dans le domaine de l’éducation. Il établit les premières églises et les premières écoles dans lesquelles il fera enseigner les principes du christianisme. Il envoie même des membres de sa famille étudiés à Lisbonne. Son objectif de faire du Mbanza Kongo un centre intellectuel se soldera par un échec: il manquera de personnel formé et de moyens. L’échec est total lorsque le Roi du Portugal laissera sans réponse la requête de son allié au fait de lui concéder le territoire de Sao Tomé pour y installer les écoles. L’influence des écoles initiatiques diminue chez certaines élites mais le nouveau système imposé par Alphonso Ier peine à montrer ses fruits.

Du fait de toutes les transformations sociales amorcées par “le plus chrétien des Rois de Kongo”, les conflits sont devenus inévitables. Le pays connaîtra un déclin progressif du fait du climat insurrectionnel installé et alimenté par le Portugal. Des invasions extérieures contribuent également à l’affaiblissement du Royaume. C’est au XVIIIème siècle que le Royaume Kongo s’effondre et se divise en factions rivales.

Tout au long de cet article, nous avons tenté de passer en revue l’ensemble des mythes et des histoires du Royaume Kongo ; depuis la naissance de l’humanité à travers le conte de Mahungu, jusqu’au récit de la fondation mythologique et historique du Kongo dia Ntotila. À travers la légende de Nekongo et de Lukeni, nous avons analysé l’importance des symboles tels que la croix et celui du kodia dans la formation et l’organisation de l’Etat. Ces symboles, permettent de montrer l’influence de la spiritualité et de l’initiation, qui sont les piliers du royaume. Comme nous l’avons vu également, l’histoire du royaume Kongo, ainsi que les croyances traditionnelles, se verront bouleversés avec l’arrivée des missionnaires chrétiens. L’équilibre et l’alliance sacrée entre politique et spiritualité instauré par Lukeni et le clan Nsaku, se verra rompu avec la conversion du Roi Joao Ier. Le royaume connaîtra son apogée avec Alphonso Ier décrit comme étant “le plus chrétien des Rois du Kongo”. Cette appellation est toutefois à nuancer: cette conversion peut être plutôt analysée sous la forme de la naissance d’un syncrétisme entre le christianisme et la spiritualité Kongo. Ce syncrétisme sera totalement rejeté par une certaine frange de la population. Elle conduira à un affaiblissement progressif du Mwene Kongo, jusqu’à la dislocation du royaume. Toutefois, la spiritualité demeurera importante pour le peuple. Elle jouera par exemple un rôle crucial durant l’indépendance à travers le Kibanguisme en République Démocratique du Congo. Peut-elle encore inspirer les grands penseurs Kongo à l’aune des défis auxquels sont confrontés les 3 pays issus de ce Royaume ? Même s’il est difficile de retrouver aujourd’hui cette spiritualité sous sa forme la plus pure, elle demeure le dernier vestige d’une des plus illustres civilisations qu’a connu le continent africain. 

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