Point Histoire : Le Libéria

Le Libéria : “premier pays d’Afrique à avoir élu une femme présidente”. Le nom de cette femme – Ellen Johnson Sirleaf, est parfois tristement ommis pour en préférer le symbole. Bien qu’il faille se féliciter de la grande avancée sociétale que cette élection représente et des aspirations que celle-ci a pu susciter :.....

Guerres civiles et prise de position

De ses origines familiales, Ellen Johnson Sirleaf a conservé le goût pour l’engagement. Dès 1961, la jeune femme part aux États-Unis pour étudier. Après avoir obtenu une maîtrise en administration publique à Harvard en 1971, elle rentre au Libéria pour intégrer la fonction publique. 

Sous la présidence de William Tolbert (1971-1980), elle est nommée pendant un an et jusqu’en 1973 ministre adjointe des Finances. En 1980, le militaire Samuel K. Doe est à la manœuvre d’un coup d’État qui l’installe au pouvoir. Lors de ce coup d’État, le sanguinaire Doe tue son prédécesseur Tolbert et fait exécuter un grand nombre de membres du gouvernement en public. Un véritable régime de la terreur est institué, des exécutions sont sommairement actées. Ellen Johnson Sirleaf est critique mais silencieuse à propos de la dictature Doe, elle accepte paradoxalement un poste de ministre des Finances de ce même homme, de 1980 à 1985. A partir de 1985, elle quitte le gouvernement et mène une campagne sénatoriale en critiquant ouvertement le régime dictatorial. Ces critiques assumées lui valent une arrestation et une condamnation à dix ans de prison, elle échappe par ailleurs de peu à une exécution. Rapidement libérée, elle est contrainte à un exil de douze années durant  lequel elle se rendra au Kenya et aux Etats-Unis. 

Dès 1989, le pays est plongé dans une guerre civile, celle-ci oppose les autochtones aux descendants d’esclaves américano-libériens. Le dictateur Samuel Doe est un descendant de l’ethnie des Krahns, originaire de l’intérieur des terres libériennes. Sa présidence représente la première accession des autochtones à la tête du pays. La politique sanguinaire de Doe favorise les membres de son ethnie, ce qui provoque des conflits sociaux, lancés par les américains-libériens et réprimés à bout portant par l’armée de Doe. Le conflit semble interminable et les combats s’enlisent ; en 1997, près de dix ans après le début de la guerre, Ellen Johnson Sirleaf se présente aux élections présidentielles comme candidate du Parti de l’unité. Cette femme, membre à la fois des élites d’ascendance américaine et autochtone, pense pouvoir unir les deux parties. 

Les élections sont finalement gagnées par Charles Taylor, un chef rebelle d’ascendance américano-libérienne. Membre de l’élite, il combat le pouvoir de Samuel Doe lors de la guerre civile : non pas pour parvenir à l’unité, mais pour préserver la hiérarchie sociale selon laquelle les américains-libériens sont supérieurs. Président de 1997 à 2003, il suspend les libertés individuelles, fait exécuter ses opposants et centralise un véritable pouvoir autoritaire. Lors de son mandat, Ellen Johnson Sirleaf est de nouveau contrainte à l’exil car accusée de trahison pour avoir voulu l’unité. 

Le mandat de Charles Taylor, achevé de façon abrupte et forcée en 2003, mène à un gouvernement de transition en attente de nouvelles élections. En 2012, Charles Taylor est reconnu coupable de crimes contre l’humanité par le tribunal spécial pour la Sierra-Leone, faisant de lui le premier ancien chef de l’Etat condamné depuis les procès de Nuremberg (1945-1946). Condamné à 50 ans de prison, il purge sa peine dans une prison britannique.

Le Libéria post Taylor est en ruine et l’unité nationale est plus basse que jamais : c’est seulement à cet instant, en 2003, que Ellen Johnson Sirleaf pénètre à nouveau dans son pays d’origine. Après deux années de gouvernement de transition, les élections sont organisées en 2005. Arrivée seconde au premier tour du scrutin, elle bat l’ancien footballeur et futur président George Weah au second tour. Elle devient ainsi présidente du Libéria, après sa prestation de serment le 16 janvier 2006. Son élection est un événement retentissent dans son pays, en Afrique mais aussi dans le monde, puisqu’elle est la première femme élue présidente sur le continent africain. Très vite, des portraits d’elle sont rédigés un peu partout sur le globe, son visage est à la une de nombreux journaux en Occident : oubliant presque la dimension politique de sa fonction, la communauté internationale s’émeut du symbole. 

Il n'y a pas encore de commentaires.
Authentication requise

Vous devez vous connecter pour poster un commentaire.

Connexion