Les langues bushinenguées
Les langues bushinenguées sont des langues nées du
contact entre les langues des colons, principalement l’anglais, mais également
le néerlandais et les langues africaines des esclaves. Elles sont dites à base
anglaise.
Ces langues sont l’aluku, le ndyuka, le saramacca
et le paramaka. Les linguistes les nomment « nenge tongo ».
Les langues issues des esclaves marrons ont
également des influences ouest-africaines, cependant des études approfondies à
ce sujet n’ont pas encore été publiées.
Les supports écrits en aluku, ndyuka ou paramaka
sont plutôt rares même si un alphabet latin peut transcrire la langue, mais
l’orthographe n’est pas encore standardisée.
Le magico-religieux
Aux Antilles le magico-religieux est le fruit d’un
métissage entre des invariants religieux africains, des pratiques ésotériques
médiévales amenées par les colons et la religion catholique coloniale imposée.
Le segment culturel africain est naturellement
présent, néanmoins disséminé sous la forme de croyances et de pratiques «
magico-religieuses » non-institutionnalisées et cachées. Il s’agit davantage
d’une spiritualité ambiante masquée, individualisée, privatisée mais
populairement partagée à travers l’imaginaire et les expressions.
Ces résistances africaines s’expriment par un lien
incontestable entre les vivants et les disparus considérés comme des esprits
potentiellement perturbateurs ou protecteurs, d’où l’importance d’honorer les
morts qui s’exprime par, notamment, l’importance de la Toussaint. En effet, la
Toussaint connaît un éclat particulier aux Antilles parce qu’elle permet
la célébration du culte des ancêtres et qu’elle a également pour fonction de
raviver le sens de la solidarité et de la continuité de la communauté.
Quimbois et Gadèdzafè
Aux Antilles les différentes pratiques religieuses
sont réparties ainsi : 94% Catholique romain, 3% hindouisme et cultes
africains, 2% Témoins de Jéhovah et 1% de protestant.
Les cultes africains sont confondus dans un faible
pourcentage assez opaque.
Malgré cela la pratique du Quimbois (Kenbwa ou Tjenbwa en
créole) existe bel et bien. Équivalent, pour les Antilles, du vaudou haïtien,
de la santeria cubaine ou du candomblé brésilien, le quimboiseur ou gadèdzafè (le
voyant qui « regardent les affaires ») contrairement aux autres spiritualités
africaines en Amérique, ne se vivent pas en communauté. Le gadèdzafè,
équivalent du gadò guyanais, est une personne solitaire que l’on fréquent lors
de consultations.
Cette croyance se manifeste, par exemple, par
l’interprétation de la maladie ou de l’infortune comme sanction
surnaturelle ou mal-voyé (« mal envoyé » ou sortilège), l’appréhension
persécutrice dominante, la recherche aiguë de gad-kò (garde-corps) et de
protections magiques capables et la consultation privée de ces « spécialistes
de l’invisible » qui ont reçu, croit-on, ce don de discerner et de « plomber »
(selon l’expression créole) les forces perturbatrices en sachant «
regarder-dans-les-affaires-des-gens ».
L’héritage africain se manifeste également par
l’utilisation du règne végétal et des plantes, dans les pratiques magico
religieuses (à la fois dans les sociétés créoles et Noirs marrons).
Les legs comportementaux et sociétaux
Les attitudes physiques
Dans les gestes les plus quotidiens des Antillais
et Guyanais, nous pouvons y retrouver l’expression d’une influence d’origine
africaine, en voici quelques exemples.
A l’instar des premiers esclaves africains, les
femmes antillaises portent encore leurs enfants sur la hanche.
De plus, il est commun de porter les enfants « à
dada », c’est-à-dire à califourchon sur le dos. Cette pratique est analysée par
certain comme une survivance dégradée de la manière traditionnelle de porter
les enfants en Afrique, le pagne ayant disparu.
Le comportement social
L’étiquette
Les influences africaines se manifestent également
par des comportements sociaux.
Par exemple, lorsque deux antillais se
rencontrent, leur échange se fait sous la forme d’un dialogue
institutionnalisé, c’est-à-dire que tandis que l’un parle, l’autre acquiesce
rituellement : « Oui, Han-Han, Ebin, ou ka konprann…. ».
Mais, qui plus est, ce comportement se retrouve
dans une situation irréciproque ou un individu d’une autre culture, par exemple
occidentale, ne songerait pas à acquiescer.
Ainsi, exposé, conversation, explication, peuvent
être ponctués par des acquiescements. Cette attitude se constate également chez
les Noirs des États-Unis et a même été institutionnalisé par les pasteurs noirs
: « Oh oui, oh non… ».
Cette pratique est rapprochée à la conception
africaine de la politesse d’après laquelle écouter passivement les paroles
d’autrui c’est se montrer impoli.
Le tchip
Le tchip désigne un son produit par un locuteur
faisant passer l’air dans un geste de succion à travers la bouche avec le dos
de la langue s’élevant vers la partie molle du palais. La durée et l’intensité
de celui-ci varie selon les habitudes personnelles, selon les sentiments du
locuteur ou selon l’endroit où il se trouve.
Le tchip exprime une colère difficilement
contenue, une impatience particulière, une irritation, ou une forte
réprobation.
Dans la bonne éducation standard, il est défendu
aux jeunes enfants de tchiper en présence d’un adulte ou des parents.
En ce qui concerne les origines africaines du
tchip, celui-ci porte les traits généraux de certaines langues de l’Afrique
Nous conclurons cet article en disant que parmi
les nombreux points soulevés, il ne s’agit pas d’une liste exhaustive et que
l’Afrique a laissé des traces en Martinique, en Guadeloupe et Guyane bien
au-delà : dans l’art culinaire (la soupe congo), la toponymique (« Morne
l’Afrique » au Diamant en Martinique) ou la patronymique (N’guéla, Condé,
Simba…).
Il y aurait tant à décrire et à découvrir.
Sur ces territoires les cultures africaines se
sont plus ou moins bien conservées, les cultures des Noirs marrons /
Bushinenguées par leur isolement ont pu bénéficier d’une transmission des valeurs
davantage inaltérée que dans les sociétés créoles. Malgré ces processus de
créolisation qui se caractérisent par des expressions culturelles effacées,
altérées et mutées par des apports amérindiens, européens et asiatiques, les
legs africains demeurent, sans pour autant en être des bribes et des résidus.
En effet, ce processus a donné lieu à de nouvelles
cultures, qui demeurent relativement jeunes.