SEMA, le cinéma au profit de la dénonciation

SEMA est un film congolais réalisé par Machérie Ekwa Bahango. Sorti en juin 2019, il est né d’une collaboration avec le Mouvement National des Survivants de viols et de Violences Sexuelles en RDC, une organisation non gouvernementale œuvrant en République démocratique du Congo (RDC) pour sensibiliser aux exactions dans l’Est du pays. Le moyen-métrage est écrit et joué à 90% par des survivant.e.s de viols et de violences sexuelles : il a ainsi vocation à briser le silence et sensibiliser sur les sévices sexuels commis en zone de conflits, et plus largement dans le monde entier. ...

Les difficultés des institutions judiciaires à endiguer le phénomène

À travers le témoignage des survivant.e.s, le film parvient à retranscrire les difficultés auxquelles fait face le système judiciaire congolais. Cela est montré de façon très juste tout le long du film : lorsque Kimia parvient à identifier l’homme qui l’a violée puis à le faire comparaître devant la justice, il est très difficile de prouver sa culpabilité. Pire encore, il est suggéré qu’elle n’obtiendra jamais justice pour cause de corruption. En ce qui concerne la répression des violences sexuelles, la justice congolaise est donc peu armée.

En effet,  la généralisation des violences sexuelles – commises par des acteurs armés comme par des civils bien que minoritaires –  l’impunité ou encore l’indiscipline dans le corps militaire et la police sont des phénomènes que le système judiciaire peine à réfréner. Dans ce contexte, les condamnations sont rares. À titre d’exemple, le procès de 39 membres des forces armées de la RDC (FARDC) accusés d’actes de violence commis en novembre 2012 (et entre autres de viols) dans la localité de Minova s’était soldé par la condamnation de trois militaires dont deux pour viols, le reste ayant été acquitté ou sanctionné pour d’autres motifs : pillages, manquement à leur devoir etc. Sur le plan législatif également, le droit congolais rencontre des difficultés. En effet, bien que la Constitution congolaise garantisse l’égalité entre hommes et femmes, dans les faits les femmes ne jouissent pas des mêmes droits que les hommes. Le code civil congolais peut dans un certain sens illustrer ce phénomène : si certains articles font de la femme et de l’homme des partenaires égaux dans le mariage, d’autres dispositions viennent soumettre celle-ci à son époux (l’article 444 par exemple qui fait du conjoint le chef du ménage).

La reconnaissance des violences sexuelles pâtit irrémédiablement de ces inégalités : jusqu’en 2006, la définition du viol était très restrictive et de ce fait ne couvrait qu’un nombre limité de situations, excluant de facto de nombreux cas.  Grâce à une documentation de plus en plus exhaustive sur les faits commis entre 1993 et 2003, la législation a pu avancer en la matière et certains vides juridiques ont pu être comblés : la révision de la législation pénale de 2006 a entre autre permis d’introduire de nouveaux crimes de violences sexuelles dans le droit congolais (le viol avec objets par exemple) et a donc participé à criminaliser les viols commis à une large échelle. Toutefois, son impact n’est que partiel car ces nouvelles lois ont vocation à s’appliquer uniquement à la période s’étendant de 1993 à 2003. La RDC fait donc face à de nombreux défis au niveau normatif. 

Sur le plan international, la situation inquiète évidemment. En réaction à l’accroissement des violences et la défaillance du système judiciaire, des opérations de soutien ont pu émerger – en témoigne la création d’EUPOL RD CONGO (sur initiative européenne), mission d’assistance, d’encadrement, d’appui et de conseil aux autorités congolaises pour la réforme du secteur de la sécurité. Cette réforme comprend la restructuration de la police qui a pendant longtemps été employée au service du pouvoir politique (sous Mobutu par exemple) et non au service de la protection des citoyens. L’objectif sur le long terme est donc de garantir un État de droit, de protéger les droits de l’homme et d’instaurer un lien de confiance avec la population.

Face à la défaillance de l’État et plus précisément l’ineffectivité de la justice, des structures alternatives sont mises en place afin d’aider les victimes dans leur reconstruction. 

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