Les difficultés des institutions judiciaires à endiguer le phénomène
À travers le témoignage des survivant.e.s, le film
parvient à retranscrire les difficultés auxquelles fait face le système
judiciaire congolais. Cela est montré de façon très juste tout le long du film
: lorsque Kimia parvient à identifier l’homme qui l’a violée puis à le faire
comparaître devant la justice, il est très difficile de prouver sa culpabilité.
Pire encore, il est suggéré qu’elle n’obtiendra jamais justice pour cause de
corruption. En ce qui concerne la répression des violences sexuelles, la
justice congolaise est donc peu armée.
En effet, la généralisation des violences
sexuelles – commises par des acteurs armés comme par des civils bien que
minoritaires – l’impunité ou encore l’indiscipline dans le corps
militaire et la police sont des phénomènes que le système judiciaire peine à
réfréner. Dans ce contexte, les condamnations sont rares. À titre d’exemple, le
procès de 39 membres des forces armées de la RDC (FARDC) accusés d’actes de
violence commis en novembre 2012 (et entre autres de viols) dans la localité de
Minova s’était soldé par la condamnation de trois militaires dont deux pour
viols, le reste ayant été acquitté ou sanctionné pour d’autres motifs :
pillages, manquement à leur devoir etc. Sur le plan législatif également, le
droit congolais rencontre des difficultés. En effet, bien que la Constitution
congolaise garantisse l’égalité entre hommes et femmes, dans les faits les
femmes ne jouissent pas des mêmes droits que les hommes. Le code civil
congolais peut dans un certain sens illustrer ce phénomène : si certains
articles font de la femme et de l’homme des partenaires égaux dans le mariage,
d’autres dispositions viennent soumettre celle-ci à son époux (l’article 444
par exemple qui fait du conjoint le chef du ménage).
La reconnaissance des violences sexuelles pâtit
irrémédiablement de ces inégalités : jusqu’en 2006, la définition du viol était
très restrictive et de ce fait ne couvrait qu’un nombre limité de situations,
excluant de facto de nombreux cas. Grâce à une documentation de plus en
plus exhaustive sur les faits commis entre 1993 et 2003, la législation a pu
avancer en la matière et certains vides juridiques ont pu être comblés : la
révision de la législation pénale de 2006 a entre autre permis d’introduire de
nouveaux crimes de violences sexuelles dans le droit congolais (le viol avec
objets par exemple) et a donc participé à criminaliser les viols commis à une
large échelle. Toutefois, son impact n’est que partiel car ces nouvelles lois
ont vocation à s’appliquer uniquement à la période s’étendant de 1993 à 2003.
La RDC fait donc face à de nombreux défis au niveau normatif.
Sur le plan international, la situation inquiète
évidemment. En réaction à l’accroissement des violences et la défaillance du
système judiciaire, des opérations de soutien ont pu émerger – en témoigne la
création d’EUPOL RD CONGO (sur initiative européenne), mission
d’assistance, d’encadrement, d’appui et de conseil aux autorités congolaises
pour la réforme du secteur de la sécurité. Cette réforme comprend la
restructuration de la police qui a pendant longtemps été employée au service du
pouvoir politique (sous Mobutu par exemple) et non au service de la protection
des citoyens. L’objectif sur le long terme est donc de garantir un État de
droit, de protéger les droits de l’homme et d’instaurer un lien de confiance
avec la population.
Face à la défaillance de l’État et plus
précisément l’ineffectivité de la justice, des structures alternatives sont
mises en place afin d’aider les victimes dans leur reconstruction.