la dénonciation
L’insécurité croissante dans les provinces orientales du Congo
Le moyen-métrage débute en 2013. Il laisse voir
deux personnages – Kimia et Matumaini-, aux vies diamétralement opposées, leur
seul point commun étant de vivre dans la région Est du Congo. Kimia vit
et étudie en ville, à Bukavu précisément, tandis que Matumaini réside dans le
village de Kombo dans le Sud-Kivu avec son conjoint. L’élément déclencheur dans
le récit est leur viol qui survient dès la onzième minute du film. Il a pour
objectif de montrer l’insécurité croissante dans les provinces orientales du
Congo.
Pour comprendre l’insécurité qui sévit dans les
provinces orientales du Congo, il faut comprendre l’histoire de l’actuelle RDC
depuis les années 90 et notamment depuis 1993. En effet, à cette époque, l’ancien
Zaïre est dirigé par le dictateur Mobutu Sese Seko (1965-1997) qui use de
stratagèmes comme la violence, la corruption ou encore les antagonismes tribaux
et régionaux pour se maintenir au pouvoir. Cela a de lourdes conséquences pour
le pays, qui fait face à un effondrement économique ; des violences ethniques
au Nord-Kivu, ou encore diverses violations des droits de l’homme. Cette crise
institutionnelle qui durera sur plusieurs années, se soldera par une première
guerre de 1996 à 1997 qui chassera l’ancien dictateur du pouvoir politique au
profit de son rival, Laurent Désiré Kabila (1997-2001). Pour autant, le pays ne
connaît aucun repos car une seconde guerre vient s’inscrire dans la continuité
de la première – impliquant cette fois des États comme le Rwanda, l’Ouganda ou
encore le Zimbabwe, anciens pays alliés de Kabila dans sa lutte contre Mobutu.
L’Est du Congo est le terrain de ces affrontements et demeurera durement
marqué. Ainsi, selon le Rapport du Projet Mapping retraçant les
violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international
humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la RDC,
sur la période s’étendant de 1993 à 2003, le pays aurait principalement connu
des actes de violences à l’encontre des femmes, d’enfants et liés à
l’exploitation illégale des ressources naturelles. Dans ce sens, l’International
Rescue Committee, une organisation non gouvernementale venant en aide
aux personnes victimes de persécutions raciales, religieuses et
ethniques, estimait que la seconde guerre avait engendré à elle seule 4 à 5,4
millions de morts. Ce chiffre a néanmoins fait l’objet de contestations,
notamment par l’ADRASS (Association pour le Développement de la Recherche
Appliquée en Sciences Sociales). Cela témoigne de la difficulté à estimer
l’ampleur du conflit quand bien même son caractère meurtrier est communément
admis.
En 2003, sous le mandat du président Joseph Kabila
– ayant repris le flambeau de son père après son assassinat en 2001- et après
une pression internationale, un cessez-le-feu est signé. Une période de
transition démocratique débute et la RDC doit refonder ses institutions après
le chaos engendré par les deux guerres. La période de transition s’achève en
2006, lorsque Kabila remporte à nouveau les élections présidentielles : une
période de stabilité pour le pays, mais qui demeure toutefois inégalement
répartie sur le territoire. En effet, la sécurité du pays demeure menacée dans
la région de l’Est : les crises survenues à Bukavu, l’Ituri ou encore Gatumba
entre 2003 et 2004 ont suffi à l’illustrer. Des groupes rebelles comme l’Armée
de libération du Rwanda (ALIR) ou encore les Forces démocratiques de libération
du Rwanda (FDLR) déstabilisent la région pour avoir le contrôle sur les
ressources naturelles du territoire. Les matières premières comme le coltan –
composant des appareils électroniques- sont particulièrement convoitées,
et afin de les exporter illégalement dans les pays voisins, ces milices
instaurent un climat de terreur et d’insécurité qui force les habitants à
quitter leurs villages. Les violences sexuelles, aussi appelées viols de
guerre, représentent l’un des moyens pour ces milices d’asseoir leur autorité.
Ce bref rappel historique sert de contexte à expliquer le viol des deux protagonistes : victimes d’un conflit qui dure depuis une vingtaine d’années, le film raconte le combat qu’elles mènent pour survivre et faire face à un système judiciaire qui peine à punir les auteurs de ces méfaits.