Surnommées ‘amazones’ par des voyageurs européens en comparaison avec les personnages de l’Antiquité grecque, les femmes guerrières de Dahomey, connues en langue fon sous les noms de Mino (‘nos mères’), Ahosi (‘femmes du roi’), Nyonu Agbo (‘femmes buffles’) ou simplement Nyonu ahwanyito (‘femmes allant à la guerre’) sont une armée de femmes du royaume fon de Dahomey en activité durant les 18ème et 19ème siècles de notre ère....
Surnommées ‘amazones’ par des voyageurs européens en comparaison avec les personnages de l’Antiquité grecque, les femmes guerrières de Dahomey, connues en langue fon sous les noms de Mino (‘nos mères’), Ahosi (‘femmes du roi’), Nyonu Agbo (‘femmes buffles’) ou simplement Nyonu ahwanyito (‘femmes allant à la guerre’) sont une armée de femmes du royaume fon de Dahomey en activité durant les 18ème et 19ème siècles de notre ère. Réputées pour leur bravoure, leur férocité et leur dévotion à leur cause, elles sont aussi connues pour avoir été la seule armée professionnelle exclusivement féminine documentée dans l’histoire moderne.
1. Les origines historiques
Les étapes historiques de la constitution du régiment des femmes guerrières du royaume de Dahomey sont incertaines. On a parfois tracé leurs origines à un groupe de chasseuses d’éléphants, les Gbéto, à des gardes du corps du roi ou à des sortes de policières. On a aussi tracé leurs origines à la fameuse reine Hangbe, sœur jumelle du roi Akaba (1680-1708), qui aurait institué un parallèle féminin à toutes les institutions du royaume, y compris dans le domaine de l’armée. C’est en effet selon un vieux chant des Mino d’une campagne des Fon sous le règne d’Akaba ici appelé Yèwunme contre les Ouéménou qui auraient été dirigés par Yahazé, que daterait leur première intervention. Les premières activités attestées des femmes guerrières du Dahomey par écrit datent de 1727 lors de la guerre entre Dahomey et le royaume rival de Ouidah. Une tradition étrangère, celle du royaume ashanti (actuel Ghana) fait également mention d’une armée de femmes dans l’armée du Dahomey l’ayant défait en 1764. Ce n’est toutefois qu’au 19ème siècle, sous le roi Ghezo (1818-1858) que leur usage semble avoir été systématisé. Après avoir pris le pouvoir, il parvint à se libérer de la tutelle de l’empire yoruba d’Oyo à qui le Dahomey payait un tribut depuis un siècle. Il attaqua ensuite les populations mahi de Hounjroto au nord de Dahomey. Après une lourde défaite lors de sa première attaque, il aurait régulièrement utilisé un régiment de femmes dans ses futures campagnes, une institution qui perdurera jusqu’à la chute du royaume.
Drapeau, Dahomey »Célébration du courage des amazones, à la chasse aux animaux ou à la guerre, qui est une chasse aux hommes ». Entre 1850 et 1856.
2. Devenir une Mino
Les Mino se voyaient recrutées selon trois critères : la répression criminelle, le tirage au sort, et le volontariat, si les candidates possédaient une capacité physique significative. Alors que l’entrée dans le corps des Mino était initialement vue comme une punition, le prestige acquis par celles-ci au cours de plusieurs campagnes a transformée celle-ci comme une sorte d’ascension sociale. Elles pouvaient certes perdre la vie au combat, mais aussi, par leurs exploits guerriers, atteindre un statut d’héroïne qui rejaillirait sur leurs familles. L’intégration officielle d’une femme dans le régiment des Mino se produisait via un rituel commun à toutes les populations de langue gbe, celui du ‘pacte de sang’. Egalement à l’origine de la cérémonie du Bois Caiman en Haïti, cette pratique, révélée aux hommes par le génie Aziza, consistait à boire un breuvage dans lequel ils versaient quelques gouttes de leur sang après quoi les participants se juraient fidélité jusqu’à la mort sous peine d’être châtiées par les forces divines. Dans le cas des Mino, les nouvelles recrues devaient se réunir nues devant le jexo, le tombeau des rois d’Abomey et prononcer le serment devant les morts et les dieux protecteurs du royaume, de se consacrer entièrement à l’agrandissement et à la défense du Dahomey, et de ne jamais se trahir entre elles. Un prêtre les incise à cette occasion sur leur bras gauche et fait couler leur sang dans un crâne rempli d’alcool et de poudre qu’elles boivent. Après un autre breuvage, les voici membres d’une nouvelle communauté au statut presque sacré. L’intégration des nouvelles Mino se faisait aussi d’un point de vue moins rituel, et les nouvelles recrues pratiquaient, dans le cadre de leur intégration, des combats de lutte, des épreuves de force ou des parcours en pleine forêt. Pendant ces derniers qui duraient de cinq à neuf jours, elles devaient survivre ensemble et s’habituer aux conditions de la guerre. Elles devaient surmonter la faim, la peur et la crainte des bêtes sauvages, ainsi que les pièges volontairement tendus par leurs chefs. Des amulettes et des sacrifices leur donnaient confiance dans leur capacité à s’en sortir. Durant ce ‘stage’ elles apprennent aussi un code de communication seulement connu des Mino et qui est basé sur l’imitation des cris des oiseaux : il leur permettra de communiquer à distance durant les opérations militaires. Dans le cadre de ces stages, les meilleurs médecins du roi, les Kpamegan sont mis à leur disposition.
3. Au quotidien
La plupart des Mino vivaient autour de la place Singbodji au sein de la cité royale d’Abomey. Un très rare nombre d’entre elles étaient mariées au roi ou à certains de ses favoris. En temps de paix, elles pratiquaient des activités au sein du palais essentiellement articulées autour de l’artisanat et de la cuisine, mais se voyaient nourries et logées par le roi. Elles continuaient toutefois à s’entraîner systématiquement à la guerre grâce à un rigoureux exercice physique et martial qui, souvent dans le contexte du rythme et de chansons guerrières, les faisait maîtriser le maniement des armes blanches et le corps à corps, bien qu’elles eussent aussi fait usage, avec moins de succès semble-t-il, de fusils. En période de guerre, au moins annuelle à Dahomey, les Mino endossaient un uniforme composé souvent d’un haut sans manche, le Akon Awu qui recouvrait un pagne aplatissant leurs seins, d’un pantacourt appelé chokoto, et d’une coiffe ou d’un bandeau cachant les lobes de leurs oreilles. Ces vêtements étaient notamment destinés à cacher la nature féminine des guerrières lors des combats. Les uniformes étaient parfois accompagnés d’amulettes, souvent accordées aux guerrières par le roi en fonction de décoration pour la grandeur des actes accomplis pour le royaume. Les Mino, étaient séparés en quatre principales unités à la tête desquelles figuraient des femmes. Il s’agit des Gbéto, le régiment descendant des fameuses chasseuses d’éléphant, des Gulonento, des Agbarya et des Gohento, chacune de ces unités possédant des couleurs d’uniformes différentes.
4. Valeurs
Quelques-unes des principales valeurs des Mino du Dahomey étaient la dévotion au royaume et la solidarité qui avaient été matérialisées par le pacte de sang fon, le Vodunnunu (où l’action de boire la divinité). Un certain nombre de chants et de faits illustrent cet état d’esprit. C’est ainsi qu’une Mino originaire du royaume de Kétou, qui avait été capturée dans sa jeunesse par Dahomey fut libérée et ramenée à ses parents après la défaite de ces derniers contre la cité d’Abéokuta. Elle refusa de rester avec eux et exprima son souhait de retourner à Dahomey pour y servir son roi. Une autre valeur des Mino était celle qui les voyait se présenter comme l’égal des hommes. De nombreux chants le montrent ainsi que de nombreuses tentures fon, qui les représentent en rouge, la couleur de la virilité et du danger par excellence.
5. A la guerre
Outre la bataille contre les Ouéménou en 1708, les Mino se sont distinguées dans un certain nombre de batailles où elles semblent d’ailleurs s’être plus illustrées que leurs partenaires hommes. C’est le cas contre les royaumes yorubas de Savé d’Abéokuta et de Kétou en 1825 (1851 et 1864) et 1885 respectivement. Les guerres qui les opposeront aux Français en 1890 et 1892 et qui conduiront à la chute de Dahomey verront encore une description du courage et des valeurs martiales des Mino par les observateurs étrangers et par la tradition fon, bien répandue dans la culture béninoise moderne et qui ne peut que servir de repère de bravoure, d’unité, et de surpassement de son statut social aux jeunes Noirs soucieux de se réapproprier leur patrimoine historique pour s’en constituer un nouveau.